Ici Dargent !
Le journal du collège à lire d'urgence…
#4 Ces femmes qui marquent leur temps : Rosalind Franklin et la structure de l’ADN
Categories: Le saviez-vous ?

Rosalind Franklin (1920-1958)

Affiche du 8 mars 2022

Si Rosalind n’avait pas été une femme, elle ne ferait pas partie des oubliées des sciences.

Rosalind Elsie Franklin naît le 25 juillet 1920 à Notting Hill (Londres, Royaume-Uni) dans une famille juive de la haute bourgeoisie. Ses proches se rendent vite compte de sa haute intelligence, sa tante écrivant sur elle dans une correspondance à son époux :

Rosalind est d’une intelligence inquiétante : elle passe ses journées à faire de l’arithmétique par plaisir et ne fait jamais aucune erreur dans ses calculs.

Dans cette correspondance, sa tante s’inquiétait davantage de la situation de sa nièce vis-à-vis de la société britannique, puisqu’elle était une fille, que de sa capacité cérébrale en elle-même. Rosalind a alors seulement 6 ans et la place des femmes dans la société est très négligée. Son père, par exemple, refuse pendant de nombreuses années d’employer aucune femme dans sa banque.

Cela n’empêche pas Rosalind d’être une jeune fille très compétitrice : à l’âge de 9 ans, elle se fixe comme défi d’être chaque semaine la première de sa classe, chose qu’elle parvient à réaliser plutôt aisément. Ce petit jeu dure deux ans.

Elle réalise ses études secondaires à la Saint Paul’s Girls’ School, une école privée britannique. La jeune fille est d’un

Saint Paul’s Girls’ School – ©Chmee2

caractère affirmé et apprécie beaucoup taquiner, pouvant parfois aller jusqu’à la provocation. Ce fort caractère lui vaut quelques escarmouches avec ses professeurs. D’ailleurs, Rosalind n’est pas compétitrice uniquement lorsqu’il s’agit d’études et elle se passionne également pour divers sports, intégrant les équipes de cricket, tennis et hockey de son école.

Rosalind Franklin effectuant des recherches

Depuis son jeune âge, Rosalind est attirée par la physique et la chimie. Malheureusement, le milieu scientifique est encore réservé aux hommes à l’époque et c’est pourquoi son père tente de la décourager de se tourner vers les sciences. Mais Rosalind est bien droite dans ses bottes et elle décide de se spécialiser en sciences : à 16 ans, elle prépare le School Certificate, un certificat d’études très exigeant contenant 6 matières. Elle se concentre principalement sur la physique, la chimie et les mathématiques bien qu’il faille obtenir un résultat satisfaisant dans au moins cinq matières.  

Deux ans plus tard, elle passe les concours de physique et chimie de deux universités de Cambridge dédiées aux femmes, Girton et Newnham. Acceptée dans les deux établissements, la jeune femme choisit de continuer son chemin au Newnham College et se passe pour cela de sa dernière année de lycée.

Le 10 octobre 1938, c’est la rentrée à Cambridge. Il faut dire que c’est un établissement relativement moderne pour

Newnham College – Photographie de Wiki Commons

l’époque, il accueille les femmes depuis 1869. Cependant, celles-ci ne sont pas considérées comme des membres de l’université, contrairement aux hommes, mais comme de simples élèves d’un des deux établissements leur étant réservé, Girton ou Newnham. D’ailleurs, elles ne figurent même pas dans le compte des étudiants de premier cycle : leur cas est à part de sorte qu’elles ne peuvent obtenir de diplôme mais un simple certificat d’études, le “dicrease titular”. Pour autant, Rosalind trouve l’ambiance de l’établissement très stimulante et y effectue ses études entre 1938 et 1941.

Rosalind Franklin

Pendant l’année 1939, elle assiste à une conférence de William Lawrence Bragg, un physicien ayant obtenu le prix Nobel de physique en 1915 pour ses travaux d’analyse des structures cristallines à l’aide de la cristallographie aux rayons X (sorte de photographie aux rayons X permettant de dessiner des formes propres à la disposition des atomes). Elle sort de cette conférence la tête pleine de rêves, imaginant un grand potentiel pour l’usage de la cristallographie : désormais, son objectif est d’amasser autant de compétences que possible sur cette technique prometteuse.

Nous sommes début 1940 et le monde ne peut plus fermer les yeux sur les forces de l’Axe qui marchent sur tous les continents. Rosalind est effrayée par cette “drôle de guerre” en France, provoquée par l’inaction du gouvernement et elle s’insurge de voir capituler tour à tour les Pays-Bas puis la Belgique et enfin, la France.

Cependant, la jeune femme veut s’offrir le meilleur pour son avenir alors, malgré son ardent désir de participer à l’effort de guerre, elle se concentre sur sa troisième et dernière année d’études : comme elle le dit, la science est sa raison d’être, elle pense que vie et science sont liées et que l’une permet de comprendre l’autre. Rosalind, malgré son fort tempérament, fait partie de ces gens qui ont toujours l’impression d’avoir raté leurs examens mais qui obtiennent systématiquement les meilleures notes et mentions. A la fin de son cursus, elle obtient la mention Bien ainsi que la somme modique de 15 livres sterling (ce qui correspond à moins de 17€) pour pouvoir financer une éventuelle quatrième année d’études.

L’année suivante, alors âgée de 21 ans, elle assiste le pionnier en photochimie Ronald George Wreyford Norrish, futur

Ronald George Wreyford Norrish – ©NobelPrize.org

Nobel de chimie en 1967. Celui-ci possède un laboratoire au Emmanuel College de Cambridge, mais Rosalind ne reste qu’un an aux côtés du chimiste : en effet, elle se heurte à un caractère colérique et têtu qui l’exaspère. De plus, les travaux qu’ils mènent ensemble ne lui conviennent absolument pas : elle souhaite faire des recherches qui peuvent, d’une certaine façon, participer à l’effort de guerre, mais son collègue est loin de cette idée.

A l’été 1942, ayant quitté le laboratoire de Norrish, elle s’inscrit de nouveau à Cambridge, mais cette fois en tant qu’étudiante-chercheuse afin de préparer une thèse. En août de la même année, elle accepte un poste d’assistante de recherche à la British Coal Utilisation Research Association (BCURA, Association de Sociétés Industrielles pour la Recherche sur l’Utilisation du Charbon, dissoute en 2015) où elle réalise des études qui lui serviront pour ses travaux ultérieurs. Dans le même temps, elle est volontaire dans l’Air Raid Precautions (ARP), une organisation chargée de protéger la population des bombardements et elle consolide ses connaissances en français. Rosalind garde un souvenir mémorable des vacances qu’elles a passées, enfant, en France, un pays qu’elle admire.

Fin 1940, elle a rencontré et s’est liée d’amitié avec une chercheuse française spécialisée dans les rayons X qui avait collaboré avec les Curie. En compagnie de cette chercheuse, Adrienne Weill, elle se fait de nombreux amis, pour la plupart réfugiés français.

Quelques années plus tard, il est temps pour Rosalind de soutenir sa thèse : elle obtient avec brio son doctorat de physique-chimie en 1945 grâce aux travaux qu’elles a menés auprès de la BCURA.

Rosalind Franklin

A l’été 1946, alors que la guerre est achevée et que la vie reprend difficilement son cours, Rosalind s’envole pour un voyage dans toute la France. Elle en profite pour rendre visite à son amie Adrienne qui est de retour au pays depuis 1945. Son amour pour la France n’a pas changé, elle admire aussi bien sa population et sa gastronomie que ses paysages et sa culture.

Grâce à l’appui d’Adrienne Weill, une opportunité en or se présente à Rosalind fin 1946 : elle obtient un poste de chercheuse au laboratoire central des services chimiques de l’Etat (dépendant du ministère de l’industrie). Elle y travaille quatre ans sur l’analyse de cristaux complexes sous la tutelle de Jacques Mering, le responsable du laboratoire, qui a bien perçu le talent de la scientifique. Pour la première fois de sa carrière, Rosalind s’entend à merveille avec son collaborateur et ce dernier, appréciant son engagement dans les recherches, lui apprend notamment à utiliser la cristallographie aux rayons X sur le charbon et le bois. 

Malheureusement, à cette époque les risques liés à l’exposition aux rayons X commencent seulement à être connus et les protocoles scientifiques ne les prennent pas encore en compte. La scientifique est donc extrêmement exposée aux rayons X pendant ces quatre années qu’elle passe en France. 

Désormais devenue bilingue en français malgré un fort accent qui ne la quittera jamais, Rosalind, qui est désormais connue dans son milieu, effectue des conférences en français comme en anglais et publie des articles scientifiques, notamment dans la célèbre revue Nature.

Bien que son séjour en France soit un pur bonheur, Rosalind sait pertinemment que son séjour n’est que temporaire et que son avenir se joue dans son pays. En juin 1950, elle est appelée au King’s College de Londres pour un entretien : elle est acceptée sans grande surprise.

On la demande car l’objectif est d’installer une unité de cristallographie aux rayons X au King’s College : or Rosalind a acquis durant ses années en France une certaine expérience dans le maniement de cette technique et c’est c’est ce qui intéresse John Randall (célèbre physicien dont les recherches ont permis l’invention du radar, un appareil ayant joué un rôle primordial dans la victoire des Alliés), le supérieur de Rosalind.

Elle prend ses fonctions en janvier 1951, mais Randall lui écrit bien vite pour l’informer que son sujet d’études n’est finalement plus d’actualité et qu’elle travaillera désormais sur la structure des fibres d’ADN, une décision qui va changer sa vie.

Pour autant, le retour de Rosalind s’avère difficile : revenue de Paris où elle se sentait indépendante et reconnue, elle est confrontée à la dure réalité de la société londonienne. Comme elle le dit elle-même, ici elle est considérée comme la fille de ses parents chez qui elle loge temporairement le temps de trouver une autre habitation. Nostalgique de son temps à Paris, Londres est pour elle l’incarnation du patriarcat, c’est une ville d’hommes faite pour les hommes. Ces constats se font jusque dans son travail car les femmes ne sont pas admises au réfectoire des “seniors staff” du King’s College, autrement dit les éminents membres et dirigeants de l’établissement.

Rosalind est assignée à l’équipe du biophysicien Maurice Wilkins qui travaille depuis plusieurs années déjà sur les

Maurice Wilkins – ©NobelPrize.org

acides nucléiques. Le doctorant Raymond Gosling fait également partie de l’équipe en tant qu’assistant de recherche de Rosalind : jusqu’avant l’arrivée de cette dernière, il était le seul à maîtriser la cristallographie aux rayons X au King’s College et c’est un scientifique qui se révèle fort doué.

Depuis 1943, on sait de quoi est composé l’ADN et qu’il est le support du patrimoine génétique. En revanche, sa structure n’est toujours pas déterminée, mais Wilkins émet déjà l’hypothèse d’une forme d’hélice grâce aux travaux préalables de Gosling. L’arrivée de Rosalind le rend fébrile d’obtenir la preuve de cette hypothèse. Cependant, les deux chercheurs sont sans cesse en désaccord et la scientifique reproche avec véhémence à Wilkins de n’être pas suffisamment précis lors de ses conférences à propos de l’avancée de leurs recherches sur l’acide nucléique et de tirer des conclusions hâtives. Elle lui aurait notamment lancé à la fin d’une conférence :

Retourne à tes microscopes !

Peu à peu, les certitudes que l’ADN est bien construit suivant une forme hélicoïdale sont de plus en plus fortes, mais il manque toujours des preuves. Wilkins et ses collègues se font de plus en plus pressants envers Rosalind et lui donnent une multitude de conseils sur la manière d’effectuer son travail. Pour la chercheuse, c’est une entrave sur ses recherches, une insulte à son savoir, car jusqu’alors, elle n’avait pas eu besoin de tant d’aide pour d’obtenir des résultats. Sa manière de travailler est à l’opposé de celle de ses collègues, elle n’est pas pressée mais préfère prendre le temps et travailler minutieusement et rigoureusement afin de capturer les meilleures photographies possibles à l’aide de la cristallographie aux rayons X.

Wilkins, de son côté, trépigne de plus en plus. Il converse régulièrement avec un autre spécialiste de la

Francis Crick – ©NobelPrize.org

cristallographie, un certain Francis Crick, rencontré pendant la guerre. A son tour, ce dernier parle des recherches menées au King’s College à son binôme, un certain James Watson, qui étudie la réplication des gènes. Seulement, le King’s College est le seul lieu à posséder une unité de cristallographie à Londres et James Watson voit un grand potentiel dans les études menées par Rosalind qui lui permettraient d’effectuer ses propres recherches. Bientôt, Wilkins se trouve invité le temps d’un week-end chez son collègue Francis Crick où se trouve immanquablement James Watson. Le binôme harcèle Wilkins de questions qui ne se prive pas de réponses précises. Il aborde même le sujet de Rosalind et se place en victime, se déclarant exclu de son propre sujet de recherche par la scientifique.

Étrangement, Crick et Watson publient fin 1951 un article décrivant leur représentation de

James Watson – ©NobelPrize.org

la structure de l’ADN. Ces travaux, grandement inspirés de ceux de Rosalind, présentent de vulgaires erreurs de calculs qui leur portent préjudice : ils sont forcés de cesser leurs recherches sur l’ADN. De son côté, Rosalind n’en est pas étonnée ; elle est persuadée qu’il est impossible de prouver quoi que ce soit sans donnée expérimentale. Pourtant, les deux chercheurs ne s’arrêtent pas là pour autant, ils continuent de se tenir informés de l’avancée des travaux auprès de Wilkins.

Dans la nuit du 1er au 2 mai 1952, accompagnée de son élève, Raymond Gosling, Rosalind Franklin parvient à réaliser

Le cliché 51 réalisé par Rosalind Franklin et son élève, Raymond Gosling

un cliché réussi de la structure de l’ADN à l’aide de la cristallographie aux rayons X. Ce cliché, nommé “cliché 51” en référence au nombre d’essais réalisés, montre clairement la structure en double hélice de l’ADN.

Cependant, lassée de cet environnement de travail où elle ne se sent pas heureuse et qu’elle trouve contre-productif, elle contacte John Bernal, un physicien du Birkbeck College (université de recherche publique de Londres) qui accepte sa demande mais ne peut l’accueillir immédiatement. En attendant son départ pour le Birkbeck College, elle réalise des calculs mathématiques avec Gosling qui lui permettraient de prouver la structure hélicoïdale de l’ADN. Loin de résultats concluants pour le moment, Gosling décide donc de montrer à Wilkins la photographie réalisée par Rosalind et qu’elle avait soigneusement rangée à l’écart de celui-ci. Evidemment, tout cela parvient aux oreilles avides de James Watson qui obtient rapidement l’autorisation de reprendre ses travaux avec Francis Crick. Les deux compères, après avoir à nouveau questionné Wilkins avec insistance, parviennent à mettre la main sur un rapport du Medical Research Council (organisme de santé publique britannique) de décembre 1952 qui s’intéressait notamment aux travaux de Rosalind.

Pour Crick et Watson, c’est le Graal. Toutes les informations dont ils ont besoin se trouvent à leur portée, méthodiquement travaillées par Rosalind : explication des phases de changements de forme de l’ADN, mesures, etc.

Dans le même temps, le 24 février 1953, Rosalind continue d’effectuer ses travaux sur le modèle en double hélice de l’ADN et se prépare à publier trois articles pour la revue Acta Scientific. C’est ce même jour qu’elle comprend que les formes d’ADN qu’elle a identifiées sont celles d’hélices à deux bras, mais elle manque de temps pour finaliser son travail et comprendre encore certains détails. Or, son supérieur, John Randall, exige que les travaux restent au King’s College et après son départ en mars 1953, il lui écrit afin d’ordonner qu’elle change de domaine de recherche.

Crick et Wilkins finissent par publier leur modèle de la structure de l’ADN dans la revue Nature, mais indiquent n’avoir pas eu connaissance des travaux préalables de Franklin. Pourtant, jamais Watson et Crick n’auraient pu prouver quoi que ce soit sans les données expérimentales de Franklin qui leur ont apporté une preuve irréfutable.

Au Birkbeck College, Rosalind se penche cette fois-ci

Rosalind Franklin au microscope en 1955

sur les virus à ARN et utilise notamment les recherches de James Watson sur le virus de la mosaïque du tabac (VMT), corrigeant ses données à partir de ses propres expérimentations. Désormais reconnue comme une grande cristallographe, elle donne maintenant des conférences jusqu’aux Etats-Unis. Etrangement, les rapports entre Watson, Crick et elle-même restent tout à fait courtois et lors d’une conférence aux Etats-Unis où elle croise James Watson, celui-ci lui propose même de l’accompagner pour un voyage en Californie. Peut-être Rosalind n’a-t-elle pas deviné que les deux chercheurs ont subtilisé ses travaux à son insu.

A son retour des Etats-Unis, la revue Scientific American publie un article ou Crick précise s’être basé sur le cliché 51 de Rosalind Franklin afin de réaliser ses modèles. Dans le même temps, elle se lie d’amitié avec Aaron Klug, brillant physicien (Nobel de chimie en 1982) qui lui présente ses clichés du virus de la mosaïque du tabac. Bizarrement, Crick et Watson s’orientent à leur tour sur des recherches à propos des virus à ARN, mais les deux équipes continuent d’échanger régulièrement et de manière courtoise sur leurs travaux, s’encourageant mutuellement. Tout cela sans compter que Rosalind voue une grande admiration à Francis Crick.

Elle parvient à découvrir la structure du virus de la mosaïque du tabac avec son équipe : Rosalind est au sommet de sa gloire, son nom est synonyme de grande cristallographe, elle est conviée partout et enchaîne les publications scientifiques.

Rosalind Franklin

En juin 1956, alors qu’elle effectue un nouveau voyage aux Etats-Unis, elle est prise de violentes douleurs abdominales à plusieurs reprises. Pourtant, elle avait effectué un examen de santé avant son départ.

Une fois rentrée à Londres, elle réalise une visite d’urgence chez le médecin qui la croit d’abord enceinte mais l’envoie finalement d’urgence à l’hôpital : le pronostic est sans appel, Rosalind a une tumeur ovarienne. Ce type de cancer est connu comme étant “le tueur silencieux” des femmes mais plus tard, les nouveaux diagnostics des médecins ne trouvent finalement plus trace de cellule cancéreuse. Après avoir repris ses recherches, elle est de nouveau hospitalisée d’urgence en avril 1957 : on découvre une nouvelle tumeur sur le côté gauche de son bassin et elle entame un nouveau traitement. Inquiète pour l’avenir de ses recherches mais également celui de certains des jeunes scientifiques du Birbeck College qu’elle souhaite voir percer, elle se démène pour trouver des financements. Ses travaux touchent au bout et elle ne ralentit pas son rythme effréné, entre recherches, conférences et autres invitations : sa pire hantise serait de mourir avant d’avoir achevé son travail.

Cependant, au mois d’octobre 1957, elle est dans l’obligation d’enchaîner les hospitalisations. Consciente de sa fin proche, elle se résigne à rédiger son testament en décembre 1957 qu’elle dédie au fils d’Aaron Klug. Elle décède le 16 avril 1958 au Royal Marsden Hospital de Londres ; elle a 37 ans et son cancer a certainement été provoqué par une surexposition aux rayons X. Elle est enterrée au cimetière juif de Willesden (Londres).

Sa mort est relayée par de nombreuses revues scientifiques à l’internationale et on salue ses recherches pionnières sur la structure des maladies virales. Son supérieur, John Bernal, lui rend hommage dans un article du Times où il ne manque pas de rappeler ses travaux majeurs concernant la structure de l’ADN.

Quatre ans plus tard, en 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins reçoivent le prix Nobel de médecine

Première édition aux Etats-Unis de “The Double Helix” – ©abebooks.co.

et ce, sans que soient précisés les travaux de Rosalind Franklin : seul Wilkins, malgré ses désaccords avec Franklin, remercie la chercheuse. Watson publie même un livre en 1968, “The Double Helix”, dans lequel il dénigre le rôle prépondérant qu’a eu la chercheuse : le brouillon a pourtant bien été relu par Wilkins et Crick et ceux-ci ont reproché à son auteur les propos déplacés et misogynes qu’il y tenait. Mais plus tard, Crick s’en donne à cœur joie à son tour, assurant que la chercheuse était bornée et limitée intellectuellement, ce pourquoi elle n’avait pas obtenu de résultats concluants (en parlant de ses recherches sur l’ADN) ; ce comportement de la part de Francis Crick est particulièrement injustifié vis-à-vis de l’admiration que Rosalind vouait pour lui, d’autant plus qu’elle lui demandait souvent conseil.

Face à cet affront, la famille et les proches de Rosalind, dont Aaron Klug avec qui elle avait travaillé, s’insurgent contre ces déclarations. Ce n’est qu’en 2003 que Watson finit par reconnaître le mérite de la chercheuse. Cependant, jamais Rosalind n’aurait pu obtenir le Nobel car les règlements de l’académie stipulent que le prix ne peut être décerné à titre posthume. Pour autant, Rosalind est trop souvent oubliée pour l’importance qu’elle a eu dans cette découverte.

Le rover ExoMars baptisé Rosalind Franklin
Photographie par Mike Peel

Plus tard, en 2003, La Royal Society crée un prix Rosalind Franklin à destination des femmes scientifiques et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a donné son nom à un Rover qui devait être envoyé sur Mars en 2022. A défaut d’avoir reçu le prix Nobel, elle reçoit en 2008 le prix Louisa-Gross-Horwitz à titre posthume.

Scientifique passionnée et passionnante, Rosalind Franklin est le point de départ ayant permis de remarquables avancées scientifiques, tout particulièrement sur le virus de la mosaïque du tabac.

 

Guerin–Pavec Romain

 

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.